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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 23:14

que je n'ai vu que 5 ou 6 fois, dont le fils est l'ami de ma fille, dont la femme est l'amie de la mienne, qui m'avait accueilli dès le premier jour, chez lui, j'avais bien aimé l'endroit, grande pièce à vivre en bas, un joli jardin à mimosas derrière la baie vitrée, ce mimosas m'avait impressionné une nuit noire plus tard, parce qu'éclairé depuis le salon,

notre première rencontre s'était faite en février, en pleine floraison des mimosas, M. tenait à tout prix à me présenter ces amis-là, c'était un bon choix mon amour, 

cet homme m'avait accueilli à bras ouverts, vraiment à bras ouverts, son corps disait, parce qu'il avait les bras grand ouverts "viens dans mes bras, t'es mon frère de tatami, et si j'ouvre en grand mes bras comme ça, c'est parce qu'on se serait pris ainsi sur un tatami, sans chichi".

Il s'était réjoui du vécu que j'avais en judo, comme si j'avais été champion du monde. Il considérait le judo comme une chose importante au bout de laquelle il n'était pas allée. Pour lui, ce bout, c'était la ceinture noire. Comme si me côtoyer lui apportait un petit truc en plus ou plutôt comme si savoir ces heures que j'avais passées sur les tatamis lui apportaient du baume. Un peu de procuration. "Putain, ça devait être bien, hein, ton voyage sur les tatamis" semblait-il dire.

"Oui, c'était bien, c'étaient des heures passées à combattre à l'entraînement, au point que la ceinture en était toute mouillée, c'est ma mère qui avait remarqué cela,

cette mouillure,

des heures à chercher des solutions pour faire tomber un mec, souvent un ami, parce qu'on se connaissait par coeur et que la surprise venait rarement de l'entraînement. Alors quand on réussissait à le faire tomber, ça embellissait la soirée, qui était déjà bien embellie par le volume de travail fourni et par le plaisir d'éprouver le bon fonctionnement de cette mécanique.

Des années où le corps est une mécanique.

Lui parler me réjouissait aussi parce que je retournais fouler les tatamis, et que cette partie de ma vie, je l'ai adorée, et qui me revient de plein fouet en ce moment, celle du judo, des amis du judo et de la compétition. 

 Alors que lui n'a pratiqué qu'un peu mais a beaucoup aimé. Qui m'avait dit un truc du genre "toi je suis content que tu sois là, parce que je sens que t'es un type bien alors que l'autre je le le trouvais bizarre", faisant allusion à la relation précédente de M.

 

D'emblée, j'ai aimé cet homme avec une certaine déférence. A penser à lui, je me rends compte que G est un vrai judoka. Oui, il y a les vrais et les faux. Ce qui les distingue, c'est l'attitude face aux combats. Ceux qui y vont quand faut y aller et ceux qui n'y vont pas quand faut y aller. Je repense à cette phrase de notre entraîneur qui disait un truc genre "y'a ceux qui tombent et ceux qui font tomber". C'était faux, on ne juge pas un judoka à cela. On le juge juste au fait d'y aller. Y' a ceux qui vont en compétition et ceux qui n'y arrivent pas. Le reste n'a pas d'importance.

 

J'ai été épaté par son aisance à parler allemand et la façon dont il découvre les pays traversés, ce qu'il sait au sujet des vins aussi, son métier, sa passion. Comment exercer ce métier quand sa propre dépendance à l'alcool nécessiterait l'abstinence et que son travail à lui, c'est de donner aux autres l'envie d'acheter, de consommer, de vendre ses vins ? Quelle quadrature, G ! Alors quelle reconversion espérer. Je sais que ces questions qui semblent insolubles sont celles qui offrent les plus belles réponses. Comme s'il était nécessaire de bien se poser les questions, juste bien  se poser ces questions.

 

Je l'impressionnais et il m'impressionnait. Son métier le ramenait de Chine la dernière fois que je l'ai vu. Il en parlait avec une touche délicate, hors des clichés, de la même veine que l'assiette anglaise, cette émission de Bernard Rapp,

comme on s'essuie la bouche chez des gens qu'on ne connaît pas encore, qui nous ont été présentés récemment. Avec un coin de serviette. On tapote pas mais c'est tout comme.

 

J'avais aimé qu'il s'intéresse au pays de cette manière, il en parlait comme l'aurait fait un livre. Un type très grand, très fort, avec une vraie voix de mec, sans doute un type difficile à faire tomber. Une voix qui sort d'une forte poitrine, on s'attend à du tonnerre, mais le souffle est court alors ça sort par petites sacades. Lourd, bien ancré sur ses appuis. Un type contre lequel on s'épuise. Auquel il ne faut surtout pas se coller, de peur de se faire embarquer dans une technique primaire mais efficace, un type autour duquel il faut tourner. Un truc à la con qui fait tomber. Mettre les mains, mais pas se coller.

 

Puis on ne l'a plus vu pendant quelques mois, quelques mois où ça souffrait dur chez lui, comme on dirait "les temps sont durs". On croirait être le seul à en chier et ce ne sont pourtant que de petits bobos parce que l'essentiel est là; l'amour, les enfants, le travail, le toît. On en oublierait presque que c'est là l'essentiel.

Cela souffrait dur, on l'a su tout à l'heure en croisant sa femme dans un commerce qui balance tout de go que c'est l'enfer à la maison, un véritable enfer. Que G. a recommencé à boire après sa sortie d'hôpital. Que ça a tenu un peu mais que très vite, il a replongé, qu'il est profondément déprimé. S'ensuivent des trucs durs, de quotidien infernal.

 

J'écoute A. me raconter cet enfer et en souffrir à le faire. Elle fait la grimace quand elle en parle et elle souffle. Son corps dit combien c'est dur, l'expression du visage et le souffle.

Evidemment, son propos me transporte auprès de G. Se pose encore la question du que faire. Viennent 2 types de réponses, celles bien éprouvées du professionnel qui parlerait de soins à mettre en oeuvre, qui dirait qu'il faut se protéger, ne pas s'identifier à lui, et ne surtout pas projeter un parcours d'aide qui ne serait pas le sien.

Et puis un truc plus spirituel, qu'est ce que ce mot m'est difficile à dire. Tant j'ai peur de paraître gnangnan. Plutôt une seconde voie dans laquelle j'oserais dire qu'il faut aimer G, comme Guibert nous y encourageait, losrqu'il parlait des corps décharnés des sujets atteints du sida.

Aimer G. D'abord l'aimer. L'aimer avant tout, d'abord l'aimer avant que lui-même ne puisse le faire, réapprenne à être indulgent avec lui même. Et puis on verra. C'est alors qu'il pourrait cheminer. Aimer n'est pas porter. Je ne pense pas, c'est dire à l'autre "je t'aime comme tu es, y'a de quoi aimer chez toi, t'es beau." Alors l'autre se déplace.

C'est comme un socle, je suis aimé alors je peux y aller. Un carburant.

Peut-être que l'aide s'arrête là d'ailleurs parce qu'après ça empiète. Je dis cela mais je ne vais jamais trop loin, quelque chose se met en alerte pour me signifier que là je déborde. Ou que je déboderais si je poursuivais.

 

La dernière fois que j'ai vu G, c'était à l'occasion d'une fête qui durait 2 jours où l'alcool était disponible, à profusion sur les tables, il a passé les 2 jours, un verre d'eau à la main, sans boire aucune goutte d'alcool.

Bravo mec.   

 

 

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