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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 04:16

Madame,

 

Bof, j'aimerais bien commencer par quelque chose de gai. Je cherche. Délibérément. Commencer l'année par une note gaie, j'adorerais. Je ne retomberai pas dans l'accusation gratuite du courrier que je vous ai envoyé l'an dernier à la même époque et dans lequel je parlais de votre mari. Mon ami Alexandre le gitan avait essayé, en vain dans le quotidien Le Monde. Vous n'aviez pas répondu.

 

Je vous avais donné des nouvelles d'en bas. lettre à Carla B C'était une façon, comme si je le faisais avec la main, de détourner votre regard d'en haut pour l'orienter vers le bas. Regardez Carla, voulais-je vous dire, regardez de quoi souffrir est le mot.

 

Faites comme ces princesses de contes de fée qui se couvrent d'une peau d'âne pour échapper aux gardes de leur père, et aller voir de quoi est fait leur peuple. Avez-vous remarqué que dans les contes de fées, l'univers du pauvre et celui du puissant finissent toujours par se rencontrer. Soit que le pauvre accède à la richesse, soit que le puissant, souvent la fille du roi, tombe amoureuse d'un pauvre.

 

C'est chaud hein ? C'est impressionnant ! Non ? Et pourtant, ça ne mord pas. Et cela devient vertigineux quand on commence à comprendre que c'est comme vous, que ces gens d'en bas partagent avec vous, tout.

Juste : Tout. Et que d'un point de vue ontologique qui n'est que  

Un même corps, des mêmes besoins essentiels, des désirs de richesse, des envies de paix pour s'endormir, des gosses dont ils sont fiers ou pas. Des désirs. des drois fondamentaux, la possibilité de voter.

 

Et qu'alors on ne peut en parler que de la même façon que vous. Cet autre, vu den haut, est votre semblable, votre même. Vous êtes juste assignée, avec chance, à une autre place que la sienne. Vous avez hérité de votre place par le travail de voss aïeux, le crime de certains, le vol, le mérite aussi bien sûr.

 

Sans que quiconque n'interroge votre droit à occuper cette place. 

Mais pourquoi hériterions-nous d'une place que certains ont pu usurper ? Pourquoi cela va-t-il de soi pour chacun ?

On fait de l'héritage la chose la plus naturelle alors qu'elle est la plus injuste. Suis-je responsable de l'héritage que je reçois, que cet héritage  m'enrichisse ou m'endette et l'on peut ainsi évoquer tous les héritages.   

 

Me demande là ce que désigne "d'en bas"? Je vous parle des gens d'en bas, comme Pierre Sansot parlent "des gens de peu". Si les gens d'en bas étaient une pièce de la maison, laquelle seraient-ils ?

 

Pourraient-ils être une pièce de la maison ? Ou seraient-ils une trace ? Je ne sais pas. Et plus je réfléchis, plus l'idée même de pièce me paraît incongrue. S'ils étaient une pièce de la maison, les gens d'en bas seraient des miettes. Je vous passe la métaphore obscène qui vous installerait à table et ceux du bas sous la table.

Me revient ce que Laurent me racontait : "les gens d'en bas ne sont pas autorisés à faire les poubelles de Leader Price, les produits sont détruits avant d'être jetés". La France a ses intouchables. Pas ceux du film, ceux d'Inde. 

 

Alors qu'opposer à ces 2 misères, celle des personnes pauvres et celle des puissants qui ont poussé à l'extrême ce que les sociologues Bourdieu et Passeron dénonçaient dans les héritiers ? Ce livre, les héritiers, a sans doute pu émouvoir nos hommes politiques, en particulier  ceux de gauche, mais

 

On vit dans un monde d'héritiers et de non héritiers. Et celui qui hérite hérite de tout, le réseau, le capital financier, le lexique, les codes culturels, le capital culturel. Et celui qui n'hérite pas, hérite d'une autre culture mais qui le discrimine d'emblée.

 

A l'heure qu'il est, en ce tout début d'année, je ne sais plus quoi opposer. Je ne vis plus dans l'utopie. L'utopie s'éteint en chacun progressivement. Sauf peut-être chez certains, comme Marianne, qui souffrent cruellement, et ce dans leur corps, de cette infame injustice, dont vous n'êtes pas à l'origine certes, mais que vous contribuez à renforcer. Vous êtes devenus responsables le jour où vous avez cessé de penser collectivement. 

 

 

Aujourd'hui et encore pour quelques jours, André Sandre lit sur France Culture les lettres de Rilke à Lou Andréa Salome. Rilke, c'est l'auteur lumineux de Lettres à un jeune poète.  André Sandre lit des extraits de sa correspondance avec cette artiste peintre. C'est la seule chose qui m'apaise un peu avant de retourner au travail.

 

Bonne année Carla,

 

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