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9 décembre 2006 6 09 /12 /décembre /2006 12:03


Mon père
Ma vie est beaucoup à Pont l'Abbé au milieu de papa et maman, je suis dans cette ambiance là. Je ne vois pas ailleurs pour l'instant. Mon utilité est là-bas et mon bénéfice aussi. Je m'y trouve bien, je parle à papa. Fort ! Fortissimo ! Pour qu'il entende. "Je racontais à maman, lui dis je ce que Charlotte, à la crèche, avait ......." Ah me répond-t-il ».
Je ne sais pas où vont ces mots qu'il entend de ma bouche. Se perdent-ils entre son oreille et sa conscience ? Dans quelle mémoire vont-ils se percher ? Dans un tréfonds ou à la surface. Mon père est à la surface, mon papa, mon mien, mon tant mien. Je l'imagine nager sur une mer immense avec peu de forces comme ces vieillards que je vois à la piscine faire du surplace tellement leurs gestes sont lents.
Et que le moindre accident de bassin, le saut des enfants dans l'eau, une éclaboussure liée au reflux de l'onde quand elle vient de heurter la rigole, petit rivage, ou un plongeon plutôt bien maîtrisé, risque de déstabiliser parce que tout est affaire d'équilibre. Je voudrais apaiser cette mer, m'assurer qu'aucune ride ne ternisse, ne brise ce peu d'élan. Et souffler sur mon père tout en tapotant la mer avec ma main autour de lui pour qu'il pousse un peu plus loin, mû maintenant par l'inertie, non plus par la propulsion. "Allez papa". Comme au stade "allez papa", comme lui au judo quand j'étais enfant. "Allez jacques", j'entendais sa voix.
Chut la mer, foutez lui un tout petit peu la paix, il fait chier personne à nager comme ça. Qui a-t-il fait chier, qui peut dire ça de mon père ? Mon papa est en équilibre, gestes lents de la vie qui s'étire, se retire mais sans bruit, sans éclat, ne pas faire d'éclat pourquoi changer maintenant ce qu'il n'a jamais osé faire. Des éclaboussures. Papa, tu veux pas éclabousser un peu, nous dire, me dire ce qui se passe. T'es loin ou pas de te barrer papa ? Je ne sais pas. C'est pas la peur, c'est l'envie, envie d'être dans le geste qu'il te faut, juste ce geste, papa mon amour. Mon papa.
De quoi as tu besoin, rien ne me coûte, non laisse moi sortir cette poubelle, je vais déplacer votre voiture avant que les clients n'arrivent, faut-il que j'aille acheter du pain demain matin, je vais chez Faucon ou chez l'autre boulanger à côté de la quincaillerie. Laisse, ça, je peux le faire. Tout ces mots s'adressent à maman, papa n'est pas dans cette réalité là. C'est maman qui le tient en vie. Papa est trop fatigué.
Maman s'est effondrée samedi, elle s'est effondrée en restant très digne, mais les pleurs éructaient. Elle vomissait ces pleurs, les aurait bien ravalées mais trop tard. J'avais tout entendu. Quoi faire maman ? Que te répondre, je ne sais pas ce que tu deviendras ? Je ne sais pas maman s'il souffrira, je ne sais pas s'il faut accepter la chimio et entendre cette parole d'infirmière convaincante. Lui répondre que "sans doute personne ne sait ?"

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