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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 12:15
26 janvier 2007
L'église était recueillie
L'église était une cathédrale, recueillie, silencieuse, dense, baignante, protectrice, les séquences prenaient leur place les unes après les autres, moments posés les uns à la suite des autres dans une ligne cohérente.
juste une source sonore, la musique, la parole, la musique-un kyrie, la parole, le silence pendant certains déplacements, certains gestes, et l'émotion, celle libérée par la musique, par la tristesse. L'humanité s'était logée papa dans cette église, ce silence d'humanité dense.
Dense mais non pesant, une énergie qui s'échange, qui baigne tous les participants d'un même ouate, après les tourments. Plus de tourments, maman groggy sans doute par ces longs mois à ton côté.
Qu'il y ait là quelque chose de lendemains chatoyants, c'est ce que nous souhaitions, j'avais écrit sur le faire-part parti à Sud-Ouest, "ni fleurs, ni couronnes, ni cons", maman a retiré les deux derniers mots.
Envie de ce que l'on sent au printemps, lorsqu'on met le nez dehors, qu'une journée de soleil s'annonce, l'amour était dans cette église, un bain de lumière pour te reconnaître enfin, pourquoi cet "enfin" ?, non ce n'était pas trop tard, tout prend sens dans ce qu'a écrit Béatrice, je comprends maintenant ce qu'elle disait, cela me permet d'accéder à toi, "ah c'est donc ça papa", tu étais donc celui-ci ? J'entends la voix de Béatrice qui ne s'y est pas dite pourtant et je vois la personne de Brigitte, son amie qui vient dire à sa place. Béatrice n'a pas pu lire. La parole de Béatrice, quelques secondes, sanglots. Je suis partie de Pont l'Abbé trop tôt, je n'y arrivais plus, j'aurais pu partir le lendemain matin pour reprendre le travail, ne partir que le mardi, j'avais besoin de quelques heures à moi, protégé de ta maladie, de ses symptômes sur ton corps, de l'état de faiblesse qu'elle t'imposait et de l'image de ton corps qui se décharnait.
Je suis parti lundi, me suis reposé sur Béatrice et maman.
Un texte si vrai, qu'elle m'avait lu auparavant à la maison. Le texte nous explique papa, en monsieur trop 'trop de sucres dans le café" et en monsieur "amour", papa qui nous épargne sa douleur, se cache pour souffrir ou souffre en silence pour ne pas que la vie de la famille à côté ne soit perturbée le moins du monde par cet homme qui meurt. J'ai en tête ce moment où je surprends papa plié en deux de douleur sur son lit. Papa meurt et s'excuse presque de ce dérangement. Papa est mort si facilement, papa vivait puis est mort.
Mais papa, là, à cette seconde, dans ces jours si précieux parce que si peu nombreux, c'est toi qui est au centre, c'est normal papa, ce n'est plus nous là. Même là papa ? Personne ne t'en aurait voulu. Tu avais intégré que ta place était dans le retrait, te retirer pour que l'autre, ton enfant soit dans la lumière comme s'il n'y avait pas de place pour tout le monde, comme si toi tu n'avais pas le droit à cette place sociale. Tu y avais droit papa, si des hommes comme toi ne prennent pas ce droit, à qui le laisse-t-on ? L'éthique de papa où l'éthique l'emporte sur le reste.

Toi si délicat et dans le même temps si indélicat. Délicat d'avoir passé 3 heures à la table de la cuisine quand Gaëlle est venue te voir à Pont l'Abbé quelques semaines avant que tu ne partes sous prétexte d'être en formation à Saintes.

Papa qui m'a manqué tant d'années et qui est là si présent dans sa lutte, quelle belle bataille papa, qui demande juste un peu de répit à la maladie pour rester avec nous. "Vous qui êtes si gentils avec moi". Ce que tu as fait papa, c'est très beau, la vie a pu s'écouler à côté de toi, à travers toi par la porte ouverte de ta chambre, la présence de Caroline si douce, si concernée par son papou, par tous ces efforts que tu faisais quand elle était enfant pour que le poney Rose d'Or soit là lorsqu'elle arrivait de Paris où elle vivait avec ses parents. Si reconnaissante. Charlotte qui marche à 4 pattes sur ton lit pour approcher sa bouche délicatement de ta joue, y poser un baiser d'une délicatesse, et tu le sais, qu'on ne prête pas aux enfants de son âge. Et qui reprend son activité de petite fille de 2 ans à côté de toi, mais une activité douce pour ne pas déranger ton besoin de repos, d'irrépressible repos. Te reposer, tu luttes pour rester éveillé. Nous te regardons dormir, te surveillons, personne ne parle de cette surveillance, chacun craint que tu ne partes ou que tu aies besoin de nous et qu'on l'ignore.

Je revois les filles, Nina qui fait la queue, prend son tour pour dire au revoir à mon père, et le répète plusieurs fois. Charlotte qui sort de dessous l'autel, satisfaite de s'être frayée un chemin qui la ramène jusqu'à nous, les pans de tissu recouvrant l'autel s'ouvrent et elle apparaît tout sourire. Nina recueillie.

Je revois Méziane attentif à ne pas connaître d’impaire, réentends la voix faible de Zineb dire cette sourate dans une église si catholique, revois aussi les musulmans, les bras ouverts qui prient. Papa nous a élevés dans cette universalité-là. Nafissa qui s'affaire dans la cuisine. Et puis Manu, Franck, Jaad, G, Valérie, Bouzid, François, Fred. Comme tout cela nous fit du bien !

Je ressens cette émotion, comme à l'écoute d'une œuvre, je suis surpris par les files ininterrompues de personnes qui viennent saluer papa, un dernier au revoir à papa.

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