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2 mai 2008 5 02 /05 /mai /2008 16:31

Deux questions récurrentes sur l'écriture.
          Comment les auteurs s'y prennent-ils pour commencer une histoire ? Les Pennac, Rowles (Harry Potter), Auster, Gavalda ?
          Comment font-ils pour construire leur récit.

Cette seconde question me renvoie à cet article paru dans le Monde des livres de ce jour (vendredi 8 janvier 2009). Le journaliste y parle des travaux d'une chercheuse française du CNRS, spécialiste des questions de plagiat qui est sur le point de finaliser un logiciel d'analyse de contenu capable d'identifier la spécificité du style de chaque auteur. Comme si le style de l'écrivain allait pouvoir s'encoder sous la forme d'un algorythme. Ainsi pense-t-elle, "on dénoncera mieux le plagiat".

Voici des débuts d'ouvrages (les 3 premières phrases ou plus parfois), classés par odre de lecture. Peux pas résister à l'idée d'évoquer cette librairie très côtée de Rabat, à côté du lycée français, qui classe ses livres par ordre alphabétique à partir du prénom de l'auteur. Anna Gavalda avant Paul Auster donc.

Julio Cortazar : Axolotl : " Il fut une époque où je pensais beaucoup aux axolotl. J'allais les voir à l'aquarium du Jardin des Plantes et je passais des heures à les regarder, à observer leur immobilité, leurs mouvements obscurs. Et maintenant je suis un axolotl."

Daniel Pennac, Au bonheur des ogres : " La voix féminine tombe du haut-parleur, légère et prometteuse comme un voile de mariée.
Monsieur Malaussène est demandé au bureau des Réclamations Une voix de brume, tout à fait comme si les photos de Hamilton se mettaient à parler. 

Christian Bobin, Le Très-Bas : " L'enfant partit avec l'ange et le chien suivit derrière. C'est une phrase qui est dans la Bible. C'est une phrase du livre de Tobie, dans la Bible. La Bible est un livre qui est fait de beaucoup de livres, et dans chacun d'eux beaucoup de phrases, et dans chacune des ces phrases beaucoup d'étoiles, d'oliviers de fontaines, de petis ânes et de figuiers, de champs de blé et de poissons-et le vent, partout le vent, le mauve du vent du soir, le rose de la brise matinale, le noir des grandes tempêtes." 

Céline Minard, R. :
 " Comme je ne pus m’envoyer en Chine et que, ma foi, je n’y tins réellement que pour moitié, je m’en fus à Genève sur les traces d’un mien cousin dont on m’avait parlé.
On m’en avait dit dans ma prime jeunesse le plus grand bien puis le plus grand mal pour finir par ne m’en plus rien conter ? La dernière chose que j’appris de lui par une bouche qui lui avait été autrefois toute complaisante fut que sa tête déjà peu droite avait fini tout à fait par pencher du mauvais côté "


Toni Morrison, Beloved :
 " Le 124 était habité de malveillance. Imprégné de la malédiction du bébé. Les femmes de la maison le savaient, et les enfants aussi. Pendant des années, chacun s’accommoda à sa manière de cette méchanceté ; puis à partir de 1873, il n’y eut plus que Sethe et sa fille Denver à en être victimes. "


Junichirô Tanizaki, Le goût des orties :
" Plusieurs fois, au cours de la matinée, Misako avait demandé à son mari : « quelles sont vos intentions ? Irez-vous quand même ? » sans en obtenir une réponse tant soit peu précise ; comme elle ne parvenait pas non plus à se décider, midi passa tandis qu’ils traînaient. Vers une heure, elle se baigna, la première, et s’habilla d’une façon qui convienne à ses deux projets. Puis elle s’assit  près de lui, son attitude suggérant une interrogation muette."


Paulo Coelho, Le pélerin de Compostelle : " Le douanier a regardé longuement l'épée que ma femme emportait et nous a demandé ce que nous avions l'intention d'en faire. J'ai répondu que l'un de mes amis allait l'expertiser avant que nous la mettions aux enchères. Le mensonge a réussi; le douanier nous a délivré une attestation stipulant que nous étions entrés avec l'épée par l'aéroport de Bajadas, et nous a signalé que, si des problèmes se présentaient pour la faire sortir du pays, il suffirait de montrer ce document à la douane."

Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être : "L’éternel retour est une idée mystérieuse et, avec elle, Nietzsche a mis bien des philosophes dans l’embarras : penser qu’un jour tout se répétera et que même cette répétition se répétera indéfiniment ! Que veut dire ce mythe loufoque ?


Lydie Salvayre, La méthode Mila :
 " Puis que nous avons en commun, Monsieur, d’avoir été persécutés, vous par le Grand Louis, les faux savants et les Jésuites, moi par ma mère, qui ne trouva jamais d’autre satisfaction que dans mon harcèlement ; puisque les méchants et les fanatiques sont allés jusqu’à nous exiler, vous à Egmond, moi à Moissy, vous enfermé dans un poêle, moi dans ma petite chambre ; puisque nous partageons vous et moi la même exécration des mascarades mondaines et ce même goût tranquille des déserts sociaux je m’entends ; puisque nous avons tous deux fréquenté une prénommée Christine, la vôtre belle et de sang royal, la mienne rogue et ménagère ; puisqu’il n’est pas exagéré de dire que l’une comme l’autre voulurent notre mort et en quelque sorte l’obtinrent ; puisque nous considérons ensemble que l’air de Paris nous fut nocif à cause de l’aigreur qui y règne et du grand nombre de gens qui s’y épuisent en mensonges ; puisque vous avez affirmé que le raison était égale en tous les hommes d’où j’infère que la mienne égale la vôtre en largeur et pénétration ; puisque vous avez enfin (fort imprudemment) exhorté les hommes à secouer le joug de toutes les autorités pour ne plus reconnaître que celui de la Raison, je m’autorise ici à secouer le vôtre, et pour tous les motifs sus-indiqués qui nous font frères, je vous déclare fraternellement ceci : considérable, Monsieur, est votre tort, considérable vis-à-vis du monde, considérable vis-à-vis de moi."

Paul Auster, Moon Palace : "C'était l'été où l'homme a pour la première fois posé le pied sur la Lune. J'étais très jeune en ce temps-là, mais je n'avais aucune foi dans l'avenir. Je voulais vivre dangereusement, me pousser aussi loin que je pouvais aller, et voir ce qui se passerait une fois que j'y serais parvenu. En réalité j'ai bien failli ne pas y parvenir. Petit à petit, j'ai vu diminuer mes ressources jusqu'à zéro ; j'ai perdu mon appartement; je me suis retrouvé à la rue. sans une jeune fille du nom de Kitty Wu, je serais sans doute mort de faim. Je l'avais rencontrée par hasard..." 

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