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11 janvier 2010 1 11 /01 /janvier /2010 13:56

écrit pour la classe de Nina


Au souk, on marchande. Marchander signifie que l’on va discuter le prix qui nous est proposé. Jusqu’à se mettre d’accord.  Voici plusieurs exemples de marchandages

 

Dialogue n°1 :

- Moi : Combien coûte ce sac s’il vous plaît Monsieur ?

- Le marchand : 500 dirhams

- Moi : 500 dirhams ? C’est beaucoup Monsieur.

- Le marchand : Non, pas beaucoup mais on peut discuter et le marchandage commence là. (j’aime beaucoup commencer le marchandage dans le sourire). Combien tu me donnes ? (les marocains tutoient souvent leur interlocuteur parce que le vouvoiement n’existe pas en arabe, comme en anglais).

- Moi : je réfléchis et observe le sac sous toutes ses coutures, je le prends dans les mains et regarde s’il n’a pas un petit défaut par exemple ou si les finitions sont bien faites. Puis je lance : 200 dirhams. Il est joli, il est bien fait mais je ne veux pas aller au-delà de 200 dirhams. A ce moment-là, chacun a donné son prix et le marchandage commence.

- Le marchand : non pas 200, regarde Monsieur le travail, ça c’est du bon travail, bien fait, très joli. Tous les commerçants marocains parlent le français sans doute pour 3 raisons, du fait de notre histoire commune, du fait que les français viennent beaucoup en vacances au Maroc et que nous représentons une clientèle au fort pouvoir d’achat. La 3ème raison est liée au sens de l’accueil des marocains. Je te le laisse à 400 dirhams, c’est le bon prix.   

- Moi : non pas 400 Monsieur, 250. Je vous propose 250 mais je ne peux pas aller au-delà. Parfois le dialogue s’arrête là et je repars. Parfois le marchand continue son effort ou le client.  

- Le marchand : Bon alors dernier prix, je te le fais à 300. Tu me donnes 300 dirhams et tu pars avec, c’est un bon produit, tu ne le regretteras pas.

- Moi : Bon d’accord, voilà 300.

 

             Dialogue n°2 :

- Moi : Combien coûte ce sac s’il vous plaît Monsieur ?

- Le marchand : Souvent, le marchand profite de ce moment-là pour vanter les mérites du produit qu’il vend. Il insiste sur la qualité du cuir et des coutures. Sur sa résistance aussi ou sur toutes les possibilités de rangement qu’il offre. Il passe le sac en revu. Cela peut durer longtemps. Combien tu m’en donnes ? finit-il par demander.

Au début j’étais très surpris par cette question du marchand. En France c’est le marchand qui fixe le prix et là c’était l’inverse.

- Moi : Euhhhh, ben je ne sais pas, je pense euhhh 300 dirhams.

- Le marchand : 300 ? Ah non, ce n’est pas assez Monsieur.

Ensuite le marchandage se poursuit comme dans le premier dialogue.

 

Dialogue n°3 :

- Moi : Combien coûte ce sac s’il vous plaît, Monsieur ?

- Le marchand : 500 dirhams.

- Moi : C’est un peu cher Monsieur   

- Le marchand : Combien tu me proposes ?

- Moi : 200

- Le marchand : Non ! Le marchand fait alors un signe de la main, un signe de la tête et se retourne, signifiant que l’on ne se mettra jamais d’accord et qu’il est inutile d’aller plus loin. Le dialogue s’arrête là et la vente ne se fera pas, comme si une porte venait de se fermer.

 Tout l’art, j’ai failli écrire « toute la difficulté », mais ce n’est pas une difficulté, tout l’art réside dans la nécessité de laisser cette porte du marchandage ouverte et de ne pas aller trop loin. Un bon marchandage, c’est quand chacun se quitte en ayant à la fois le sentiment d’avoir fait une bonne affaire et en sachant qu’il a respecté l’autre.  

 

Regret : un jour, j’ai regretté d’avoir autant marchandé. Je voulais acheter un pouf et m’étais fixé un prix au-delà duquel je ne voulais pas aller. C'était la première fois que je venais au Maroc. Surtout ne pas le payer plus cher m’étais-je dit, c’était à Casablanca. Et j’ai marchandé jusqu’à obtenir ce prix. Le marchandage a duré longtemps, 20 minutes sans doute, plusieurs personnes s’en sont mêlées. L’atmosphère était chargée d’agressivité et ni le marchand, ni moi n’étions très à l’aise. Et à l’issue de la vente, alors que j’avais eu le produit au prix que je désirais, j'avais le sentiment d'avoir été trop loin et que peut-être je n’avais pas respecté le travail du commerçant, ni celui de l’artisan qui l’avait fabriqué.
Peut-être y a-t-il  dans le marchandage une équité qu’il n’y pas dans le commerce tel que nous le vivons dans nos pays occidentaux. C’est la question que je me pose au moment des soldes. Si le commerçant peut vendre à ce moment-là ces produits 50% moins cher qu’à l’accoutumée, et continuer de gagner de l’argent, ne les vend-t-il pas trop chers le reste du temps ? Est ce que le juste prix ne serait pas celui affiché à l’occasion des soldes ? La sensation aussi d'être la cible, celui à qui l'on doit vendre à tout prix et je n'ai pas cette sensation à Rabat, qui est une ville assez peu touristique.

 

 

 

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